Chine-Amérique ou la «Chimérique» : Plus qu’un partenariat, c’est une nouvelle puissance à deux têtes qui est en train d’émerger.

Publié le par Stéphane Jeanneteau

Il n’y a guère de jour où la connivence des Etats-Unis et de la Chine ne se révèle dans mille détails qui, s’ils échappent à l’attention de la foule, ne laissent pas indifférents les observateurs avertis. La troisième augmentation des taux de la Banque de Chine en moins d’un an, qui accompagne la lente réévaluation du yuan, répond aux demandes insistantes du Trésor américain maintenant dirigé par un fin connaisseur des choses de l’empire du Milieu, Henry Paulson. Le discours officiel reste celui de la compétition déloyale de l’industrie chinoise et l’accusation d’utiliser le «libéralisme» américain pour entretenir une balance commerciale structurellement excédentaire. La «Chine-Amérique» domine déjà l’histoire économique du XXIe siècle, les croissances des deux géants étant étroitement liées. Les exportations vers les Etats-Unis représentent aujourd’hui 13 % du PNB chinois et 2 % du PNB américain. L’essentiel des gains de productivité de l’économie américaine résulte de l’importation de biens de consommation à bas prix qui éliminent de facto les équivalents nationaux fabriqués sur le territoire national. C’est la raison du classement des Etats-Unis dans le peloton de tête des pays à haute productivité, ce qui est insolite pour qui connaît les rythmes de travail dans l’industrie américaine, et du bas niveau de l’inflation, dans un pays qui pratique systématiquement la dévaluation pour tenter de rester à flot.


Wal-Mart, première entreprise du monde avec un chiffre d’affaires de 300 milliards de dollars et 1,6 million d’employés, représentant 19 % de l’épicerie américaine, importe plus de 25 milliards de dollars de produits chinois, soit 10 % des importations américaines de Chine. Elle pèse, à elle seule, 1,3 % du PNB chinois. Une bonne proportion de ces produits est fabriquée par des filiales de sociétés américaines. C’est l’autre aspect de la vitalité de la «Chimérique», qui lui donne cette force qu’aucun discours ne pourra menacer tant que le niveau de vie des Chinois n’aura pas atteint une part significative de celui des pays industrialisés. La Chine est aujourd’hui le premier objectif des IDE américains (investissements directs a l’étranger) qui, on le sait, représentent un tiers du PIB des Etats-Unis. Les groupes américains sont en première ligne pour alimenter la chaudière chinoise et accélérer, si cela est encore possible, la croissance de son industrie. La Chine est déjà le troisième client des Etats-Unis, après le Canada et le Mexique, ses placements en bons du Trésor américains représentent l’essentiel du financement des déficits budgétaires et commerciaux des Etats-Unis. Une telle interdépendance de deux «pays monde» est un phénomène historique. Voilà pourquoi Wal-Mart et les multinationales considèrent l’implantation en Chine comme une priorité stratégique. Lorsque, vers 2050, le PNB chinois représentera un tiers du PNB américain (contre 15 % aujourd’hui), la Chimérique sera un Léviathan qui dominera la planète sans qu’il ait été nécessaire d’institutionnaliser son fonctionnement grâce à un pragmatisme tout à fait conforme aux cultures chinoise et anglo-saxonne lesquelles partagent la conviction que rien ne surpasse la réalité des situations, que l’idéologie économique est un frein et que la compétition est le principal moteur de la croissance.


Auteur de Keys for the Future, Lexington Books, Massachusetts, Etats-Unis.

Source : http://www.liberation.fr/rebonds/270812.FR.php

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