Le succès du maxidiscompte oblige distributeurs et industriels à revoir leur modèle économique

Publié le par Stéphane Jeanneteau

La grande distribution:  L'actualité

 

Le succès du maxidiscompte oblige distributeurs et industriels à revoir leur modèle économique

LE MONDE | 04.10.06 |
           

Pour la première fois, le maxidiscompte alimentaire a perdu des parts de marché en France au premier semestre (Le Monde du 15 septembre). Même tendance dans le textile et le bazar. Eurodif, en grande difficulté, veut céder certains de ses magasins à l'espagnol Zara, Parti Prix (groupe Vivarte) a du mal à décoller, Vet'Affaires a vu son chiffre d'affaires chuter de 21 % en 2005 et la rentabilité de Gifi a plongé de 37 %.

 

"Ces enseignes ont surtout souffert de la déflation qu'a connue le secteur textile en 2005. Les volumes de vente n'ont pas augmenté suffisamment vite pour compenser la baisse de prix et couvrir ainsi les frais fixes", explique Jean-Daniel Pick, du cabinet OC & C Strategy. "Il ne faut pas en conclure que les beaux jours du discompte sont terminés", estime-t-il en s'appuyant sur une étude publiée mercredi 4 octobre, qui montre qu'au contraire le discompte n'a jamais été aussi présent.

 

En fait, les enseignes classiques se sont réapproprié le discompte en développant des produits premiers prix et des marques de distributeurs. Tous secteurs confondus, le segment du discompte représenterait en France, en valeur, 20 % de l'offre dans le bricolage, 25 % dans le textile et 35 % dans l'alimentaire, selon OC & C Strategy. En trois ans, la part de marché du discompte dans les produits de grande consommation a progressé de 3,8 points.

 

"Le terrain de jeu des grandes marques ne cesse de se rétrécir, constate M. Pick, elles ne peuvent plus se permettre de délaisser le coeur du marché au discompte." L'eau en bouteille Cristaline illustre bien la façon dont une marque peut se battre sur le terrain du discompte. Son fabricant, le groupe Castel, est parti du principe que la maîtrise des coûts de transport est essentielle. Il a donc décidé de créer une marque provenant de 17 sources disséminées sur le territoire pour se trouver le plus près possible des lieux de distribution. Ce modèle économique a permis à Castel de vendre Cristaline à très bas prix, coupant ainsi l'herbe sous le pied des marques de distributeur. La marque est aujourd'hui leader du marché français en volume.

 

De la même façon, parti de rien, le brasseur allemand Oettinger est devenu numéro un de la bière en Allemagne. Là encore, la décentralisation de la production au travers de cinq brasseries, au plus près des lieux de consommation est au coeur de la stratégie. Parallèlement, Oettinger, au lieu de passer par un réseau de grossistes a choisi de livrer lui même ses clients afin de mieux maîtriser ses coûts de distribution.

 
PACTISER AVEC L'"ENNEMI"
 

Procter & Gamble (P & G) est lui aussi en passe de réussir la reconquête du marché du discompte avec sa marque Gama, récemment rachetée à Colgate Palmolive. P & G a décidé de stopper ses investissements publicitaires sur cette marque et a réduit de façon drastique ses coûts de production. Parallèlement le prix de Gama a été baissé de 23 %, afin de positionner la marque au niveau des marques de distributeur. Résultat : en un an Gama a regagné 1,4 point de part de marché.

 

Autre solution pour les marques : pactiser avec l'"ennemi", c'est-à-dire fabriquer pour les discompteurs sous une marque d'enseigne. "Pour beaucoup d'industriels, la question est taboue, mais elle vaut le coup d'être examinée car les fabricants du hard discount parviennent à être aussi rentables que les leaders mondiaux des produits de grande consommation. Si leurs marges sont plus faibles, en revanche leurs capitaux engagés sont mieux utilisés", souligne M. Pick.

 

Nestlé et Danone commencent timidement à devenir sous-traitants de produits de marque de distributeur. "Le discount continue à se développer à vive allure, fabricants et distributeurs doivent impérativement remettre à plat leur modèle économique", estime M. Pick. Mais l'ancrage du discompte dans le paysage risque de se traduire par une multiplication des restructurations afin d'adapter les coûts de production aux exigences de ce marché du toujours moins cher.

Stéphane Lauer

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