E-Commerce, combien de divisions ?

Publié le par Stéphane Jeanneteau

La grande distribution :  l'actualité

E-Commerce, combien de divisions ?
 

Personne ne doute qu’à terme, le modèle cybermarchand de distribution n’accroisse sa part de marché de manière substantielle. Loin de moi de nier le phénomène.

 

Mais j’éprouve toujours une certaine difficulté à convaincre journalistes et étudiants que l’absence de mon enseigne dans ce secteur n’est pas fortuite, ni le produit de la frilosité du groupe.

 

Au risque d’apparaître peu réactif, trop provincial et peut-être même passéiste, je justifie cette prudence stratégique par les 4 affirmations suivantes :

 

a) Dans le e-commerce, il n’y a pas de prime au premier entrant.

 

b) A contrario, si mon enseigne y investissait, elle n’aurait pas le droit de décevoir.

 

c)…Ce qui supposerait qu’elle fasse mieux que l’offre existante.

 

d)…Ce qui, en l’état des modèles économiques actuels, ne se peut pas.

 

Il existe d’ores et déjà une formidable attente. Donc, nous irons, c’est sûr.

 

Mais il y a d’autant moins d’urgence que les consommateurs continuent de plébisciter prioritairement le mode de distribution physique qui est le nôtre aujourd’hui (hypermarchés), n’en déplaise à ceux qui avaient enterré trop rapidement ce concept avec la percée du hard-discount. Le raisonnement est encore plus pertinent quand on constate le développement à deux chiffres de nos Espaces Culturels, de Leclerc Voyages, de nos parapharmacies…à des rythmes (et avec des volumes) largement supérieurs au e-commerce dans les mêmes secteurs.

 

Ce que je trouve le plus affligeant, c’est l’aveuglement, sur fond d’excitation, des zélateurs du net, si prompts à afficher les performances supposées des cybermarchands alors que la prolifération des chiffres publiés un peu partout masque un développement beaucoup plus lent qu’on ne le dit.

 

Deux papiers récents viennent illustrer ce débat.

 

A - L’un, publié dans Le Monde (17/01/07), sous le titre « Les ventes en ligne en forte progression en 2006 », synthétise les enquêtes récentes menées par le FEVAD (Fédération des Entreprises de Ventes à Distance), un cabinet d’analyses spécialisé dans le secteur du net, et l’ACSEL (Association pour le Commerce et les Services en Ligne).

 

En gros, qu’y lit-on ? Que le commerce en ligne a atteint, en 2006, 10 milliards d’euros en France (hors services financiers), soit une progression de 40 % versus 2005, et 100 % en deux ans ! On prévoit même 20 milliards d’euros en 2008. Une fusée, nous dit-on…même si, dans l’hexagone, elle poursuit une trajectoire modeste comparée à la fulgurance du développement de l’e-commerce aux USA, en Grande-Bretagne ou en Allemagne.

 

B - « Soit », répond Olivier Dauvers, dans sa Tribune Grande Conso (n° 38, janvier 2007). C’est indéniable, mais de là à s’enflammer, il faut raison garder avant de faire feu de tout bois sur les « conservateurs » qui n’y ont encore pas mis le doigt. Arguments :

 

1) D’abord, même à ce niveau, le e-commerce ne représentera, en 2011, que 4,7 % de l’ensemble de la distribution française. Ce n’est pas négligeable, mais ça reste tout de même marginal !

 

2) Ensuite, il faut savoir regarder les chiffres de plus près :

 

- Sur les 10 milliards réalisés en France, en 2006, la billetterie (SNCF, Air France, low-costs, etc.) représente à elle seule 35 % du CA. Ce n’est donc pas un chiffre enlevé aux ventes des hypers, des supers, ou même des grands magasins.

 

- Les 6,5 milliards d’euros restants ont été réalisés par plus de 16 000 sociétés, ce qui ne représente certainement pas un record de productivité, loin s’en faut.

 

- Olivier Dauvers rappelle ainsi que les 4 cyberépiciers français (Ooshop, Auchan Direct, Telemarket et Houra) ne réalisent, somme toute, que 300 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé, soit « pas davantage que les ventes de deux bons vieux hypers traditionnels ».

 

- De même si le taux de progression est élevé (40 %), il est dû principalement à l’arrivée de nouveaux acteurs (plus 44 %). A périmètre constant, la progression reste tout à fait semblable aux autres formes de distribution.

 

3) Je conçois bien volontiers que, sur ce créneau, quelques sociétés remportent des réussites notables, telles que « Fnac.com » ou « Amazon.fr ». Ou même sur des marchés de niche (voyages, vente de vins ou de parfums), l’e-commerce permet de belles aventures commerciales.

 

Le tableau serait malgré tout positif et mériterait l’emballement médiatique si, en solde de tout cela, les déficits ne venaient noircir le tableau. Quand on sait qu’il ne reste que 20 % des sociétés du net créées au siècle dernier !!!

 

Donc, voilà, désolé d’être ainsi rabat-joie. Les faits sont têtus. Ca ne sert à rien de s’exciter. L’e-commerce, c’est l’avenir…mais ça reste l’avenir !

 

Pour qui se bat pour la durabilité de son enseigne et la pertinence de son offre au regard des attentes sociales, tout marché n’est pas bon à prendre si ce n’est pas dans des conditions favorables aux consommateurs.

 

Il ne s’agit pas de frilosité, ni de manque d’anticipation. Il s’agit de convenir que la distribution n’est pas simplement affaire de communication, mais aussi de bonne gestion.

Michel-Edouard Leclerc

Publié dans Les news

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